HUMANISER LA DIGITALISATION



Un nouveau champ d'action pour les mandataires locaux


La fracture numérique représente le fossé entre ceux qui ont accès aux applications numériques et ceux qui n’ont pas ou difficilement cet accès.

La Fondation Roi Baudouin, dans son Baromètre de l'Inclusion numérique 2022, montre que 46% des Belges de 16 à 74 ans sont en situation de vulnérabilité numérique.
Dans son Baromètre 2021 de la maturité numérique des citoyens, l'Agence du numérique de la Région wallonne (AdN) constate une situation semblable. Ce second baromètre présente l'avantage de prendre aussi en compte les + de 74 ans.
Tenant compte de cette dernière catégorie, le niveau de vulnérabilité numérique atteint alors 56% !

Plus grave, cette fracture continue de se creuser ! D'où la nécessité de repenser les réponses actuelles.

La fracture numérique est à la fois générationnelle et sociale : l'âge, le niveau de revenu ou de formation, le handicap, sont les principaux facteurs qui accentuent la vulnérabilité. Soyons aussi conscients qu'un adulte sur dix a des difficultés pour lire ou écrire !

Quid des aînés ?

L'étude de l'Agence du numérique fournit des indications intéressantes (en % des ménages) :

Age
Internet
Smartphone
Aucun terminal
65-69 88
77
3
70-74 78
60
3
75 et + 51
35
12

On observe que les possibilités de connexion diminuent sensiblement avec l'age, particulièrement à partir de 75 ans.

Or, pour tous, mais encore plus pour les aînés, la digitalisation représente un progrès et peut faciliter grandement la vie.
Mais, comme pour tout progrès, il y a un revers à la médaille !
Une étude approfondie des disparités d'accès aux ressources de l'internet a été réalisée par la la Fondation Roi Baudouin dans son « Baromètre de l’inclusion numérique 2021 ».

Pour les aînés, les problèmes mis en évidence concernent principalement :
  • le sous-équipement : de nombreux aînés ne possèdent pas encore de smartphone  et le plus souvent pas d'imprimante, de scanner, de lecteur de carte d'identité, ...;
  • les problèmes de connexion dans certaines zones rurales,particulièrement dans le Sud-Est de la Wallonie;
  • et surtout la faiblesse des connaissances:  près d’une personne sur deux âgée de plus de 55 ans (48%) possède de faibles compétences numériques et ignorent souvent le potentiel des outils et applications à leur disposition, notamment l'utilisation des applications administratives et de santé.

Les aînés, et plus largement les nombreuses personnes qui rencontrent des difficultés avec la digitalisation, n'ont pas besoin de grandes réformes ou de cours, mais seulement d'un coup de pouce.
Ce coup de pouce doit être organisé au niveau local par les communes en coopération avec les CPAS, les Conseils Consultatifs Communaux des Aînés et les associations. 

D'ores et déjà un outil existe dans 124 communes (sur 262)en Wallonie et 18 à Bruxelles : les Espaces Publics Numériques (EPN)
Mais quelle est la réalité sur le terrain ? 138 communes (53%) ne disposent d'aucun EPN! Combien des EPN ont une activité effective ? Les services qu'ils proposent correspondent-ils aux besoins des aînés ? Combien d'aînés ont connaissance de l'existence et de l'offre de service des EPN ?

D'autres réalisations intéressantes existent à plusieurs endroits, notamment à l'initiative du mouvement d'éducation permanente Lire et Ecrire en partenariat avec les communes et les CPAS: les écrivains numériques !

Dans plusieurs régions, Eneo organise des formations et des Espaces Cyber Seniors. Une initiative très intéressante est organisée par Enéo Liège: les Assistants Numériques. Relevons qu'une Charte des Assistants Numériques a été rédigée afin d’assurer la sécurité informatique et le respect de la vie privée tant des demandeurs que des assistants numériques.

Soulignons particulièrement, en Région Bruxelloise, l'initiative de l'ARC (Action et Recherche Culturelles) qui, outre un EPN, a développé un réseau d'« Informaticiens publics ». Ces informaticiens publics se déplacent chaque semaine dans des associations de quartiers, des antennes de quartier, des projets de cohésion sociale, des centres de prévention sociale et dans d’autres types d’organisations pour aider les personnes en difficulté avec les applications digitales. Cette initiative a reçu le Prix fédéral de lutte contre la pauvreté.

 Les mandataires locaux et les citoyens devraient :
  • prioritairement, veiller à organiser une assistance individualisée pour les personnes les plus éloignées du numérique,

  • exiger des communes qui ne possèdent pas encore d'EPN d'en créer un : 138 communes de Wallonie ne disposent pas encore d'un EPN,
  • lorsqu'un EPN existe, demander aux autorités d'en renforcer la visibilité et de labelliser éventuellement d'autres initiatives locales,
  • stimuler les EPN existants pour qu'ils soient attentifs aux besoins spécifiques des aînés en mettant à leur disposition des ordinateurs et des imprimantes, mais, aussi et surtout, en les accompagnant  pour leur apprendre à utiliser les applications administratives.

Une note méthodologique a été élaborée pour aider les responsables locaux à agir dans leur commune.

 
En outre, aux plans fédéral et régional, les Aînés Engagés réclament des initiatives parlementaires pour :
  • assurer le maintien d'alternatives non-digitales pour les personnes qui ne disposent pas de l'équipement ou des connaissances,
  • élargir l'offre d'accès aux services publics et culturels : administrations, transports, théâtres, cinémas, soins, etc  :
    • en maintenant un accès téléphonique direct
    • en facilitant l'accès à ces services dans certains lieux publics : bureaux de poste, librairies, EPN, bibliothèques, etc.
  • conserver des guichets physiques permettant un accompagnement et un accueil de qualité dans l’ensemble des services publics et d’intérêt général (banques, hôpitaux, mutuelles, etc.)
  • imposer aux opérateurs une obligation de service universel des télécommunications sur l'ensemble du territoire incluant les communications par smartphones.
Texte intégral de la note des Aînés Engagés
 

Quelques exemples de réalisations:



Perine BROTCORNE (UCLouvain)   

Lauriane PAULHIAC (CABAN) et Eric BLANCHART (Technofutur TIC)

Faites-nous part de vos expériences locales: aines@lesengages.be